UN TRÉSOR MÉDIÉVAL
Le Beatus de Saint-Sever est l'unique Commentaire de l'Apocalypse de ce type ayant été produit au nord des Pyrénées. Les autres exemplaires, influencés par le moine espagnol Beatus de Liébana, ayant vécu au VIIIe siècle, sont tous issus de scriptoriums ibériques. Le manuscrit saint-severin est donc exceptionnel tant par son sujet que par son style, ses enluminures révélant, notamment dans le traitement des drapés, les échanges artistiques avec l'Espagne chrétienne mais également avec la Bourgogne. La recherche de perspective, comme dans le traitement de l'Adoration des Vieillards, incite à rapprocher cette œuvre de la peinture murale de l'époque, et spécifiquement de celle du Poitou roman.
Beatus de Saint-Sever, mappemonde, XIe siècle
UN TRAVAIL COLLECTIF
L'intervention d'au moins quatre mains se distingue dans ce manuscrit, dont celle d'un peintre de talent du nom de Stephanus Garcia, qui réalisa la majorité des enluminures. Cet artiste a laissé sa signature sur le fût d'une colonne figurée aux premières pages du texte. À travers le frontispice de l'ouvrage, où le nom de l'abbé Grégoire de Montaner est répété à l'infini, et la mappemonde, où l'abbaye de Saint-Sever est représentée comme un édifice imposant, le manuscrit avait pour vocation d'exalter la puissance du monastère et de son abbé. Cette mappa mundi, qui illustre le Commentaire sur l'Apocalypse, est tout autant un témoignage exceptionnel de la connaissance du monde au milieu du XIe siècle qu'un reflet de l'imaginaire des hommes du Moyen Âge. La terre, entourée d'un océan elliptique poissonneux, est représentée à plat avec les continents connus répartis autour de la Méditerranée. Le paradis terrestre - où figurent Adam, Eve et le serpent - est localisé en haut de la carte vers l'orient. L'originalité de ce document réside dans sa grande qualité d'exécution et dans la profusion de détails, expression de l'érudition de son auteur.
Beatus de Saint-Sever, l'Adoration des Vieillards, XIe siècle
LES LIENS AVEC L'ART MODERNE
Publié en 1929 dans la revue Document de George Bataille, le Beatus de Saint-Sever connait alors un renouveau. Les artistes avant-gardistes s'emparent de ces enluminures dont la modernité des dessins et des couleurs deviennent des sources d'inspiration indéniables. Les figures au sol dans Guernica de Picasso rappellent la mort des géants du manuscrit, tout comme la Danse de Matisse évoque les personnages flottants du folio 139.
Beatus de Saint-Sever, le Déluge, XIe siècle
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